
Pêche commerciale et baleines noires
Juin 2017, golfe du Saint-Laurent. Les avions du gouvernement du Canada ou mandatés par celui-ci effectuent des patrouilles régulières à la recherche de baleines noires de l’Atlantique Nord. Depuis quelques jours, cette espèce en péril, qui fréquente rarement ce territoire, est observée dans des proportions jamais vues auparavant. Très rapidement, des mesures d’urgence sont mises en place par le Ministère afin de réduire les risques d’interaction avec les activités de pêche et le transport maritime. La fermeture de la pêche au crabe des neiges est devancée dans certaines zones, des avis de vigilance sont envoyés à l’industrie et des normes supplémentaires concernant la surveillance des engins de pêche sont imposées. À la fin de l’été, on estime que plus d’une centaine d’individus différents, soit environ un quart de la population mondiale, ont été dénombrés à l’intérieur du golfe.
Malgré toutes ces mesures, le bilan est lourd. Douze individus ont été retrouvés morts à la dérive, parmi lesquels deux étaient empêtrés dans des engins de pêche. Même si la majorité des mortalités dénombrées dans le golfe du Saint-Laurent ne peut être attribuée aux activités de pêche, il est reconnu que les empêtrements dans des engins de pêche représentent une des plus importantes menaces pour la population de baleines noires. Une étude scientifique réalisée en 2012 a d’ailleurs déjà démontré que 83 % des baleines noires portaient des cicatrices causées par un engin de pêche.
Vaste consultation de l’industrie
Voilà pourquoi le Ministère a entrepris, dès l’automne 2017, une vaste consultation de l’industrie afin de minimiser le nombre de baleines noires tuées ou blessées par des engins de pêche. Plusieurs propositions, telles que des changements dans la configuration des engins de pêche, la modification des dates d’ouverture des pêches, ainsi qu’une gestion dynamique des activités de pêche, ont été soumises par les représentants de l’industrie. L’efficacité, la faisabilité et l’impact économique des différentes mesures ont été analysés par le Ministère au cours de l’hiver et présentés à l’industrie le printemps dernier.
Pour la saison de pêche 2018, le Ministère a dû instaurer plusieurs mesures de gestion supplémentaires afin de prévenir les incidents impliquant des baleines noires. Les pêcheurs qui utilisent des engins « fixes », tels que les filets maillants, les casiers ou les palangres, ont dû modifier leurs cordages pour qu’ils ne flottent plus à la surface de l’eau. Il a en effet été démontré que ces cordages représentent un risque majeur pour la baleine noire qui s’alimente en filtrant la surface de l’eau. Dans certains cas, des distances maximales de cordage autorisées pour relier deux bouées ont également été instaurées. Enfin, plusieurs flottilles ont l’obligation de procéder, d’ici 2019, à l’identification de leurs cordages avec marques de couleurs spécifiques à leur zone de pêche. Cette mesure, implantée aux États-Unis en 1997, permet l’identification des secteurs problématiques où les baleines peuvent s’empêtrer.
Des mesures additionnelles concernant la déclaration obligatoire des engins de pêche perdus et la déclaration de toute interaction avec un mammifère marin ont également été mises en place. Ces mesures permettent, d’une part, de colliger des renseignements supplémentaires afin d’évaluer les risques d’interaction entre les pêches et les mammifères marins et, d’autre part, de répondre aux nouvelles exigences du Marine Mammal Protection Act (MMPA) en vue de garantir l’accès des produits marins canadien au marché américain.
En terminant, un protocole de gestion dynamique des pêches a été développé afin de permettre la fermeture temporaire de zones spécifiques lorsque la présence de baleines noires est confirmée. Pour ce faire, un plan de surveillance aérienne regroupant des scientifiques de Pêches et Océans Canada, des agents des pêches, Transport Canada, l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) et plusieurs autres collaborateurs scientifiques a été mis sur pied. Grâce à cette surveillance accrue, le Ministère est en mesure de localiser précisément les baleines noires et de documenter sur une base quotidienne l’évolution de leurs déplacements dans le golfe du Saint-Laurent. Il peut ainsi prendre des décisions éclairées avant de procéder à des fermetures de zones de pêche.
Antoine Rivierre
Gestion des pêches

NOAA
Baleine noire empêtrée dans des engins de pêche.

Un plan de surveillance aérienne a été mis sur pied pour localiser précisément les baleines noires et documenter sur une base quotidienne l’évolution de leurs déplacements dans le golfe du Saint-Laurent.